Presque étranger pourtant by Thilo Krause

Presque étranger pourtant by Thilo Krause

Auteur:Thilo Krause [Krause, Thilo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature allemande
Éditeur: Zoe
Publié: 2022-01-06T23:00:00+00:00


Je me réveillai parce que j’avais l’impression d’avoir entendu la voix de Vito. Sans que je puisse m’en souvenir, je m’étais endormi sur le plateau. Les cris de Vito résonnaient dans la forêt. Je me précipitai vers lui par la ravine, glissai, dégringolai en partie sur le ventre, mais sans me faire mal. Vito sur sa couverture se jetait de part et d’autre. Quand il me vit penché au-dessus de lui, il me regarda. Je vis luire le blanc de ses yeux. Inutile de lui poser la main sur le front. Il dégageait une chaleur inouïe. Nous avons échangé un regard. Un long regard, conscients, tous les deux, que notre fugue prenait fin. Je sentais mes forces revenir. Je devais emmener Vito loin d’ici. C’était mon but, et j’étais reconnaissant d’en avoir retrouvé un.

Je reviens, j’ai dit et j’ai répété : Je reviens. Je me suis précipité vers la pile de bois, en bas. Le cône de la lampe s’agitait fiévreusement dans la forêt. Des contours de rochers, de branches, de troncs, qui commençaient à se métamorphoser. Des souches qui bougeaient. Mais je n’avais plus le temps d’avoir peur. J’ai arraché les branches qui recouvraient le vélomoteur et l’ai hissé, avec la remorque, sur le chemin. J’ai vérifié en hâte la fixation entre le timon et la poignée métallique, derrière le siège. Puis je suis remonté, hors d’haleine, et j’ai chargé Vito sur mon dos, comme je l’avais déjà fait. Sa respiration me brûlait la nuque. Je me sentais mal, l’effort et la proximité fiévreuse de Vito. Je n’avais pas de main libre pour la lampe de poche. Alors, prudemment, j’ai avancé à tâtons dans la nuit. Mes pieds étaient mes yeux. J’ai descendu le sentier en traînant les pieds. Je heurtais parfois un trou ou une racine, mais chaque fois, je parvenais à reprendre mon équilibre. Vito pesait, incroyablement lourd et brûlant. Il m’enlaçait de ses deux bras, tenait ses mains croisées sur ma poitrine.

On arrive, j’ai dit à Vito en sentant le sentier forestier sous mes pieds. On arrive. J’ai répété ces mots, les ressassant, jusqu’à ce qu’ils deviennent une mélodie, une petite ritournelle.

J’avais appuyé la mobylette et le chariot contre la pile de bois. Ainsi, j’ai pu déposer Vito à l’intérieur sans rien renverser. J’ai repris la lampe en main et suis remonté à la grotte. J’ai éclairé le gosier humide qui nous avait tout d’abord engloutis, puis recrachés. J’ai attrapé les deux couvertures. C’était comme si la caverne se refermait derrière moi, deux énormes mâchoires dentues qui retombaient en grinçant l’une sur l’autre. J’ai essayé de persuader Vito de rester immobile. Je ne sais pas s’il m’entendait. Il ne me quittait pas de ses yeux écarquillés. Derrière les troncs montait, blanchâtre, la première trace de l’aube. Au-dessus de nous, la silhouette du massif rocheux se dessinait. J’ai lancé le moteur. Vito gémissait sous les couvertures. Il ne pouvait pas s’allonger, la remorque était trop petite. Il était appuyé dans un angle et parvenait à peine maintenir le buste droit.



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